Témoinage : Odile de Vasselot

Publié le par C.R.2008



PICT4333-2.jpgLorsque nous sommes allées  à la Sorbonne pour la réunion du  concours, Mme Odile de Vasselot, résistante dans le réseau Comète où elle était convoyeuse, a raconté son histoire...

"La première aide que l’on devait apporter à ces aviateurs anglais, américains ou canadiens, consistait à leur fournir de « vrais – faux papiers », c’est à dire essentiellement une carte d’identité. Nous avions des amis dans beaucoup de Mairies, qui nous fournissaient les tampons, les cachets et les visas nécessaires. Il n’y avait plus alors qu’à remplir les formulaires vierges et à y coller la photo de l’intéressé. Les aviateurs anglais ou américains étaient munis d’un « kit de survie » qu’ils cachaient dans une ceinture, ce « kit de survie » comprenait entre autre un jeu de six photos de l’aviateur en civil. Parfois, bien imprudent, certains de ces jeunes aviateurs en guise de souvenir donnaient ces photos aux jeunes femmes qu’ils rencontraient …….Alors il fallait refaire les photos de ces « boys » dans une pièce sombre ou dans un 
studio improvisé au fonds du jardin par exemple…….

Autre aide à fournir très vite à ces jeunes hommes, était la fourniture de vêtements civils, pas très facile à trouver du fait des restrictions. En général et à condition d’entretenir de bons rapports avec les personnes qui travaillaient dans les lingeries de nettoyage on arrivait à se procurer  des habits à la taille de ces « boys ». Parfois il y avait aussi des dons, souvent aussi il nous fallut demander des parachutages, en particulier pour les manteaux d’homme.

Il fallait ensuite fournir des tickets de rationnement aux familles qui hébergeaient provisoirement ces aviateurs. Dans le domaine de l’alimentation les restrictions étaient, pendant l’occupation  très contraignantes. Chaque mois il fallait aller retirer à la Mairie des cartes pour lesquelles il y avait un certain nombre de tickets pour le pain, la viande, le sucre….etc. On ne pouvait pas demander aux logeurs – ceux chez qui les boys étaient cachés – de nourrir ces derniers à leurs dépens et à ceux de leur famille. Grâce à la complicité des maires et des employés municipaux ces compléments de tickets permettaient à ces familles à la fois de s’alimenter et de subvenir aux besoins de leurs hôtes.

Parmi les « Helpers », un nom que les Anglais donnèrent très vite, à Londres, à ceux qui venaient en aide aux leurs, il faut aussi parler des soins médicaux, prodigués aux blessés, grâce à la complicité des médecins et des pharmaciens.

Enfin le principal volet de l’aide et c’était le but du réseau « Comète » : nous devions convoyer, c’est à dire accompagner ces aviateurs durant leur voyage en train, depuis le lieu où ils étaient hébergés, en Hollande, en Belgique ou dans le Nord de la France, jusqu’à Dax ou dans une autre ville sur Sud-ouest. Pour le retour des aviateurs en Angleterre, la Ligne Comète avait opté pour l’itinéraire suivant : leur faire traverser la France en train du nord au sud, puis leur faire franchir les Pyrénées à pied avec un guide. L’Espagne n’était-elle pas neutre ? Il y avait donc encore un Ambassadeur du Royaume Uni à Madrid et des missions diplomatiques dans toutes les grandes villes. Nous leur remettions donc nos boys qu’ils faisaient entrer dans le territoire de Gibraltar : base anglaise. Ce n’était pas le chemin le plus court, certes, mais cela paraissait plus simple que de recourir aux sous marins alliés qui croisaient au large de la Bretagne.

Il fallait bien sûr, accompagner les boys tout le long de ce voyage, depuis leur point de chute jusqu’à San Sébastien. C’était le rôle des convoyeurs. J’étais moi-même ce que l’on appelait une « convoyeuse » et comme toutes les « convoyeuses ou convoyeurs » nous ne nous connaissions pas. Nous ne connaissions en fait que la personne qui nous confiait la mission et la personne à qui nous devions remettre le pilote. Par prudence comme tous les réseaux nous étions comme nous le disions très « cloisonnés ». Ces longs voyages ne se faisaient pas par étapes. Par exemple pour franchir la frontière franco-belge nous ne prenions jamais de train direct mais successivement les trains omnibus, des cars et parfois les étapes se faisaient à pieds, souvent la nuit. A la frontière « un passeur » nous faisait traverser la frontière par des chemins de contrebande et arrivé en France nous rejoignons Lille, de nouveau par car avant de prendre le train pour Paris. A cette époque les trains étaient bondés et le voyage durait des heures, debout dans des wagons très peu chauffés et il fallait être très attentif à la sécurité des pilotes dont nous avions la charge. 
Les moments les plus dangereux à la fois pour nous et pour eux étaient l’arrivée gare du Nord à Paris d’autant que ces hommes souvent très grands avaient des allures plus militaires que civiles et des habitudes de démarche très décontractée mains dans les poches ! ! ! qui dénotaient par rapport à la foule parisienne que nous croisions. Arrivée à Paris, par le métro je conduisais les aviateurs dans une cache, une planque disait-on, près du parc Monceau où ils allaient rester quelques jours avant d’être pris en charge par une autre équipe qui allait les conduire vers la frontière espagnole où ils passeraient vers Gibraltar pour reprendre ensuite le combat.
 N’oublions pas de citer le rôle important et sans doute le plus dangereux de tous : celui des logeurs. Alors que les convoyeurs pouvaient faire semblant d’ignorer ceux qui voyageaient à côté d’eux, les logeurs ne pouvaient pas dire qu’ils ne connaissaient pas ceux qui couchaient dans la chambre de leurs enfants. Et puis il y avait les voisins, dont la principale occupation était de regarder ce qui se passait à côté, qui entrait, qui sortait. et la boulangère qui soudain se demandait : Pourquoi Madame X… prend tout ce pain aujourd’hui ?... Et la femme de ménage qui sentait l’odeur du tabac passer sous la porte de la pièce que l’on avait justement fermée à clé ce jour là… Ainsi ces logeurs « qui n’avaient pas la joie de l’action » et qui ne pouvaient se mettre à « l’abri » risquaient non seulement leur vie mais aussi celle de tous les leurs. Ils étaient tout simplement héroïques. Et malgré tous ces dangers, on n’a jamais manqué de logeurs.

Enfin, il faut l’avouer vis à vis des « convoyeuses » (parce que c’était en général des jeunes filles) les Allemands avaient moins de méfiance ! "



Odile de Vasselot, le 18 /12/07 à la Sorbone

Publié dans Témoignage

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